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la porte et me jeta la lettre sans l’avoir décachetée. Je retournai à la maison et racontai tout à maman, qui se mit de nouveau au lit.



VIII

En ce moment, le récit de Nelly fut interrompu par un violent coup de tonnerre, et de grosses gouttes de pluie vinrent fouetter les vitres. Nous nous trouvâmes tout à coup dans une obscurité complète, et Anna Andréievna se signa tout effrayée. Il y eut un moment de plus profond silence.

— Ça ne durera pas longtemps, dit Ikhméniew, qui s’était approché de la fenêtre ; puis il se mit à marcher de long en large par la chambre. Nelly, en proie à une agitation excessive, suivait des yeux tous ses mouvements en même temps qu’elle évitait mon regard.

— Continue, dit le vieillard, après s’être remis dans son fauteuil.

— Oui, oui ! continue, ma petite colombe, ajouta Anna Andréievna.

Nelly regarda toute timide autour d’elle.

— Ne l’as-tu plus revu ? demanda Ikhméniew.

— Je ne le revis pas pendant trois semaines, dit Nelly reprenant son récit. L’hiver était venu, et il avait neigé. Je le rencontrai de nouveau au même endroit, et je fus bien contente… car maman se désolait de ce qu’il ne venait plus. Aussitôt que je le vis, je courus de l’autre coté de la rue, pour lui faire voir que je le fuyais. Je me retournai et je le vis d’abord hâter le pas, puis courir pour me rattraper, en m’appelant : Nelly, Nelly ! Azor courait après lui. Grand-papa me fit peine, et je m’arrêtai. Il s’approcha, me prit par la main et m’emmena avec lui ; mais quand il vit que je pleurais, il s’arrêta, me regarda et se baissa pour m’embrasser. Il s’aperçut alors que mes souliers étaient troués et me demanda si je n’en avais point d’autres. Je lui dis que