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qu’elle faisait, n’en avait pas moins dû porter secours au vieillard ; toute la journée et presque toute la nuit elle l’avait soigné, et lui avait appliqué des compresses d’eau fraîche et de vinaigre sur les tempes et le front. Lorsque je l’avais quitté, à deux heures du matin, le pauvre vieux avait le délire ; cependant il s’était levé et était venu chercher Nelly et l’emmener définitivement dans sa maison. J’ai déjà raconté la scène qui avait eu lieu entre Nelly et lui ; cette scène avait été une rude secousse pour lui, de sorte qu’aussitôt rentré, il avait dû se mettre au lit. Ces événements s’était passés le jour du vendredi saint, le même jour qui avait été fixé pour l’entrevue entre Katia et Natacha, la veille du départ d’Aliocha. J’avais assisté à cette entrevue : elle avait eu lieu le matin d’assez bonne heure, avant l’arrivée d’Ikhméniew chez moi et avant la première fuite de Nelly.



VI

Aliocha était allé prévenir Natacha une heure à l’avance ; quant à moi, j’arrivai juste en même temps que la voiture qui amenait Katia et la vieille dame de compagnie. Après force supplications d’un côté et d’hésitations de l’autre, celle-ci avait fini par consentir à accompagner Katia et même à la laisser monter seule chez Natacha, tandis qu’elle resterait dans la voiture à l’attendre. Katia m’appela et me pria de lui envoyer Aliocha. Je montai et trouvai Natacha en larmes et Aliocha pleurant avec elle. Quand elle eut appris que Katia allait venir, Natacha se leva, essuya ses larmes et, frémissante d’émotion, se plaça debout en face de la porte. Elle était vêtue de blanc ; ses cheveux châtains étaient peignés lisses et attachés en un gros nœud sur la nuque. J’aimais beaucoup la voir coiffée ainsi. Quand elle s’aperçut que j’étais resté auprès d’elle, elle me pria d’aller aussi à la rencontre de sa visiteuse.

— Combien de difficultés j’ai eu à vaincre ! me dit Katia,