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spirale, j’aperçus quelqu’un devant la porte. L’inconnu allait frapper, mais il s’arrêta en entendant mes pas, puis, après un instant d’hésitation, il renonça subitement à son dessein et redescendit. Nous nous rencontrâmes sur la dernière marche, et à ma grande surprise je reconnus Ikhméniew. L’escalier était tout à fait sombre ; Ikhméniew se colla contre le mur pour me laisser passer, et je vois encore le singulier éclat de ses yeux qui me regardaient fixement. Il me sembla malgré l’obscurité qu’il avait rougi ; ce dont je suis sûr, c’est qu’il était extrêmement embarrassé.

— Tiens ! c’est toi, Vania ! dit-il d’une voix mal assurée. Je suis ici à chercher un individu… dont j’ai besoin… toujours mon procès… un scribe, il a déménagé, il n’y a pas longtemps… mais je crois que ce n’est pas ici. Je me serai trompé. Au revoir.

Et il descendit rapidement.

Je résolus de ne rien dire à Natacha de cette rencontre, ce jour-là du moins, et de ne lui en parler que lorsque Aliocha l’aurait quittée. J’attendis deux jours avant d’aller voir Ikhméniew ; il était tout triste, cependant il me reçut d’une manière assez dégagée.

— Chez qui allais-tu, l’autre jour, tu te rappelles, quand nous nous sommes rencontrés… Quand était-ce ? avant-hier, je crois, me demanda-t-il négligemment, en évitant mon regard.

— J’ai un ami qui demeure dans cette maison, répondis-je en faisant le même manège.

— Tiens ! Moi, j’étais à la recherche de mon scribe Astafiew ; on m’avait indiqué cette maison… Je m’étais trompé, ce n’était pas là… T’ai-je dit que mon affaire est terminée ? le sénat a rendu son jugement…

Il était devenu tout rouge quand il avait commencé à parler d’affaires. Quand il nous eut laissés seuls, je racontai la chose à sa femme et la suppliai d’éviter de le regarder autrement que d’habitude, de ne pas soupirer, ni faire des allusions, en un mot de ne pas lui laisser remarquer qu’elle savait quelque chose. La bonne vieille était si émerveillée qu’elle ne voulut d’abord pas me croire. Elle me raconta à son tour qu’elle