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votre maison. C’est fort blâmable, ça ne se fait pas… Et enfin, je ne vous ai permis qu’une petite promenade, quand le temps serait beau et sous la surveillance de votre bienfaiteur, et au lieu de cela vous le quittez et vous venez chez moi, tandis que vous devez ménager votre santé et… et… prendre vos poudres. Et enfin… enfin, je n’y comprends rien…

Nelly ne l’avait pas laissé achever, elle avait pleuré, supplié, mais en pure perte. La surprise du vieillard n’avait fait que s’accroître, et il avait continué, de plus en plus, à n’y rien comprendre. À la fin, Nelly l’avait laissé, en s’écriant : Ah ! mon Dieu ! mon Dieu ! et s’était élancée hors de la chambre. Le vieux docteur en avait été malade toute la journée, et même il avait été obligé de prendre un potion calmante le soir avant de se coucher.

Nelly avait alors couru chez les Masloboïew, qu’elle eut beaucoup de peine à trouver. Masloboïew était à la maison. Alexandra Séménovna leva les mains au ciel, quand Nelly les pria de la prendre chez eux. On lui avait demandé pourquoi elle agissait ainsi, si elle n’était pas bien chez moi. Au lieu de répondre, elle s’était jetée sur une chaise et s’était mise à pleurer. Elle sanglotait si fort, ajouta Alexandra Séménovna, que je craignais qu’elle n’étouffât. Elle voulait qu’on la prit comme cuisinière, comme servante : elle balayerait le plancher, elle apprendrait à blanchir le linge. (Il paraît qu’elle avait fondé des espérances particulières sur ce blanchissage du linge, et qu’elle y voyait le motif d’engagement le plus séduisant.)

Alexandra Séménovna était d’avis de la garder jusqu’à ce que la chose fût tirée au clair, et de me prévenir en attendant ; mais Philippe Philippitch s’y opposa catégoriquement et lui ordonna de me ramener sur-le-champ la petite fugitive. Pendant la route, Alexandra Séménovna la serrait dans ses bras et la couvrait de baisers ; Nelly s’était alors mise à pleurer encore plus fort, ce que voyant, Alexandra Séménovna n’avait pu retenir ses larmes, de sorte qu’elles n’avaient fait que pleurer toutes deux, tout le long du chemin.

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