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bientôt une amie pour Nelly et me fut d’un grand secours pendant toute la durée de sa maladie. Elle venait presque tous les jours : elle arrivait effarée, ayant l’air de chercher quelque chose d’égaré, de vouloir rattraper quelque chose d’envolé. Elle ne tarda pas à être dans les bonnes grâces de Nelly, et elles s’aimèrent bientôt comme deux sœurs ; du reste, elle était en bien des choses aussi enfant que Nelly : elle lui racontait des histoires, l’amusait, la faisait rire, de sorte que la petite s’ennuyait quand elle ne l’avait pas auprès d’elle.

Cependant sa première apparition n’avait causé que de la surprise à Nelly, qui m’avait ensuite questionné et n’avait pas tardé à reprendre sa mine renfrognée et peu aimable.

— Pourquoi est-elle venue ? me demanda-t-elle d’un air mécontent, aussitôt qu’elle fut partie.

— Elle est venue te soigner.

— Pourquoi ?… Je n’ai jamais rien fait pour elle ?

— Les braves gens n’attendent pas qu’on leur fasse du bien, pour venir en aide à ceux qui ont besoin d’eux. Tranquillise-toi, Nelly ; il y a beaucoup de braves gens dans le monde ; ton malheur est que tu n’en aies pas rencontré quand il l’aurait fallu.

Elle ne répondit rien ; je m’éloignai ; mais un instant après elle m’appela de sa voix faible et demanda à boire. Tout à coup elle passa son bras autour de mon cou, appuya sa tête sur ma poitrine et me tint longtemps serré contre elle.

Le lendemain, lorsque Alexandra Séménovna arriva, elle l’accueillit avec un joyeux sourire ; cependant elle semblait encore ressentir quelque gêne en sa présence.



III

En rentrant de chez Natacha, je trouvai Nelly endormie et Alexandra Séménovna qui m’attendait auprès d’elle.

Nelly avait d’abord été extrêmement gaie et rieuse ; mais