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neur de prendre en sa maison son fils, âgé de sept ans, pour l’élever. C’est justement à cette époque que correspond le voyage du prince à Vassilievskoé et le temps où il fit connaissance avec les Ikhméniew.

Par l’entremise du comte le prince obtint un poste important auprès d’une des premières ambassades et partit pour l’étranger.

Certains bruits avaient couru sur son compte ; mais ils étaient toujours restés enveloppés de quelque obscurité : on avait parlé d’un événement désagréable qui lui serait arrivé à l’étranger ; mais personne n’aurait pu dire en quoi il consistait. On ne savait qu’une chose, c’est qu’il s’était trouvé subitement en état d’acheter quatre cents âmes, ce que j’ai déjà dit plus haut.

Au bout de quelques années, il rentra en Russie avec un rang élevé, et fut immédiatement revêtu d’un emploi considérable à Pétersbourg. On raconta à Ikhméniew qu’il allait faire un second mariage et s’allier à une maison puissante et riche. Nicolas Serguéitch se frottait les mains de satisfaction.

J’étais alors à Pétersbourg en train de faire mes études à l’université ; Ikhméniew m’écrivit tout exprès pour savoir si ces bruits de mariage étaient fondés. Il écrivit aussi au prince pour me recommander à lui ; mais sa lettre demeura sans réponse. De mon côté, tout ce que je parvins à savoir, c’est que son fils, élevé d’abord dans la maison du comte Naïnsky et plus tard au lycée impérial, venait de terminer ses études à l’âge de dix-neuf ans. Je l’écrivis à Ikhméniew, et j’ajoutai que le prince aimait son fils, le gâtait, et formait déjà pour lui des projets d’avenir, ce que je tenais d’un camarade d’université qui connaissait le jeune homme.

Un beau matin, Ikhméniew reçut une lettre qui l’étonna extrêmement...

Le prince, qui jusque-là s’était mis vis-à-vis de son intendant sur un pied purement officiel, écrivait tout à coup d’un ton franc et amical au sujet de ses affaires de famille : il se plaignait de son fils, dont la conduite lui causait beaucoup de chagrin : il disait que, quoiqu’il ne convînt pas de donner