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changer de thème. Je suis accommodant et mou comme pâte. Parlons de vous. J’ai de l’amitié pour vous, Ivan Pétrovitch, je vous porte un sincère intérêt…

— Prince, ne vaudrait-il pas mieux que nous parlions. affaires ?

— Vous voulez dire de notre affaire, n’est-ce pas ? Je vous comprends à demi-mot, mon ami, mais vous ne vous doutez pas que, en ce moment, où nous parlons de vous, nous y touchons de très-près, et si vous voulez bien ne pas m’interrompre… Je continue donc : je voulais vous dire, mon inappréciable Ivan Pétrovitch, que vivre comme vous vivez, c’est tout bonnement se perdre. Il faut que vous me permettiez d’effleurer cette matière délicate ; je ne le fais d’ailleurs que par amitié. Vous êtes pauvre, votre éditeur vous fait quelque avance, vous payez vos petites dettes ; de ce qui vous reste vous vous nourrissez uniquement de thé pendant six mois, et vous grelottez dans votre galetas en attendant que votre roman s’imprime ; c’est ainsi, n’est-ce pas ?

— Mettons que ce soit ainsi, c’est…

— Plus honorable que de voler, de courber l’échine, de faire du chantage, d’intriguer, etc., etc. Je sais, je sais ce que vous voulez dire : ce sont là des choses qu’on a même imprimées il y a longtemps.

— Vous n’avez aucun besoin de parler de mes affaires, prince ; est-ce à moi de vous enseigner la délicatesse ?

— Oh ! certainement non ! Mais que faire s’il n’y a pas moyen d’éviter cette question chatouilleuse ? D’ailleurs, laissons les galetas en paix, je ne les aime pas beaucoup, sauf certaines occasions (et il se mit à ricaner d’une façon dégoûtante). Mais ce qui me surprend, c’est de voir que vous trouvez du plaisir à jouer un rôle de comparse. Il est vrai qu’un de vos écrivains dit, si j’ai bonne mémoire, que le plus grand exploit d’un homme est peut-être de savoir se borner à jouer un rôle secondaire. C’était quelque chose dans ce genre ; mais, pour en revenir à la question, Aliocha vous soulève votre fiancée, je connais la chose, et vous, comme le premier Schiller venu, vous faites le