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Natalie Nicolaïevna comprendra très-bien que si vous rendez l’argent sans sincérité et sans ce que vous appelez des adoucissements, vous voulez lui payer sa fille, que vous voulez les indemniser avec de l’argent.

— Hem !… est-ce ainsi que vous me comprenez, excellent Ivan Pétrovitch ? Et il partit d’un éclat de rire. Nous avons encore beaucoup, beaucoup de choses à nous dire, reprit-il ; mais ce n’est pas le moment. Je vous demande seulement de bien vouloir comprendre une chose : c’est que cette affaire touche directement Natalie Nicolaïevna et son avenir, qui dépend en grande partie de ce que nous déciderons vous et moi. Votre concours est indispensable, vous le verrez. Donc, si vous avez de l’attachement pour elle, vous êtes tenu de vous expliquer avec moi, quelque peu de sympathie que vous ressentiez d’ailleurs pour ma personne. Nous voici arrivés… À bientôt.



IX

La comtesse était très-bien logée. Son appartement était meublé avec confort et avec goût, quoique sans luxe excessif ; cependant tout y rappelait une installation temporaire. C’était un appartement convenable pour un certain temps, et non la demeure constante, consacrée, d’une famille riche, avec ce déploiement de luxe seigneurial que l’on considère comme indispensable jusque dans ses moindres caprices.

On disait que la comtesse passerait la belle saison dans une propriété, grevée de plusieurs hypothèques, qu’elle avait dans le gouvernement de Simbirsk, et que le prince l’accompagnerait. Je pensais avec angoisse à ce que ferait Aliocha, lorsque Katia partirait. Je n’en avais pas soufflé mot à Natacha, et pour cause ; d’ailleurs, elle le savait peut-être ; mais elle se taisait et souffrait en silence. La comtesse me fit un charmant accueil et m’assura qu’elle avait depuis longtemps le désir de me voir. Elle était assise en face d’un