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videmment.

— Non, c’est parfois extrêmement difficile, d’autant plus…

— D’autant plus que d’autres circonstances y sont mêlées ; en cela je suis de votre avis, prince. La question concernant Natalie Nicolaïevna et votre fils doit être résolue dans tous les points qui dépendent de vous de manière à donner entière satisfaction à Ikhméniew : ce n’est qu’alors que vous pourrez vous expliquer loyalement avec lui sur tout ce qui a rapport au procès. Jusque-là, vous n’avez qu’une voie à suivre : avouer franchement et publiquement, s’il le faut, l’injustice de vos accusations : voilà mon opinion. Je vous parle à cœur ouvert, parce que vous m’avez demandé mon avis et que je ne crois pas que vous désiriez me voir jouer au plus fin avec vous. Et pourquoi vous faire tant de soucis pour cet argent ? Si vous croyez la justice de votre côté, pourquoi le rendriez-vous ? Je suis peut-être indiscret : mais tout cela se rattache à d’autres circonstances…

— Mais enfin, quelle est votre pensée à vous ? me demanda-t-il tout à coup, comme s’il n’avait pas entendu ma question ; êtes-vous persuadé que le vieux Ikhméniew refuse les dix mille roubles s’ils lui sont remis sans aucune excuse et… et… sans aucun adoucissement ?

— En douteriez-vous ? répliquai-je avec indignation.

Sa question était d’un scepticisme si insolent que je n’aurais pas été plus offensé s’il m’avait craché à la figure. J’étais encore blessé de cette manière hautaine, dédaigneuse, de répondre par une question à la question que je lui avais posée, comme s’il ne l’avait pas entendue, et voulait me faire sentir que je m’étais emballé, que j’étais trop familier. J’avais une aversion pour cette habitude du grand monde, et je m’étais appliqué à en corriger Aliocha.

— Hem !… vous êtes un peu vif ; il y a quantité de choses dans ce monde qui se font autrement que vous ne pensez, dit-il froidement pour répondre à mon exclamation. Au surplus, j’espère que Natalie Nicolaïevna résoudra cette question, et je vous prie de la lui soumettre : elle pourra nous conseiller.

— Je n’en ferai rien, lui répondis-je d’un ton rude ; d’ailleurs,