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peut-être pas fait attention à ces quelques misérables milliers de roubles, mais vous savez comment cette histoire a commencé. J’avoue que j’ai été méfiant peut-être à tort ; mais blessé de ses grossièretés, je n’ai pas voulu laisser échapper l’occasion, et j’ai entamé le procès. Vous trouverez peut-être que j’aurais pu agir plus noblement. Sans vouloir me justifier, je vous ferai remarquer que la colère et surtout l’amour-propre froissé ne prouvent pas encore le manque de noblesse ; je ne connaissais presque pas Ikhméniew, j’ai ajouté foi aux bruits qui circulaient, sur sa fille et sur Aliocha, et j’ai pu croire aussi qu’il m’avait volé sciemment… Mais l’important est de savoir ce que je dois faire à présent. Refuser l’argent et dire que je crois à mon droit, c’est dire que je lui en fais cadeau ; ajoutons à cela la position délicate dans laquelle nous nous trouvons à cause de Natalie Nicolaïevna… Il est plus que probable qu’il me jettera mon argent à la face…

— Si vous en êtes si persuadé, vous le tenez pour honnête homme, et, par conséquent, vous êtes sûr qu’il ne vous a pas volé. Dans ce cas, pourquoi n’iriez-vous pas lui déclarer franchement que vous considérez vos poursuites comme injustes ? Cela serait véritablement noble, et Ikhméniew ne serait pas gêné de reprendre ce qui lui appartient, l’argent.

— Hem !… ce qui lui appartient ! voilà justement la difficulté ! Vous voulez que j’aille lui dire que je regarde les poursuites comme injustes. Et pourquoi les avez-vous intentées ? me dira-t-on. C’est là un blâme que je n’ai pas mérité : le bon droit est de mon côté, je n’ai dit ni écrit nulle part qu’il m’ait volé, mais je suis convaincu jusqu’à présent qu’il n’a pas exercé une surveillance assez active, et qu’il a manqué de savoir-faire. Cet argent est positivement à moi, et il me serait pénible de me laisser imputer une fausse accusation ; je vous le répète, le vieillard a lui-même voulu se faire offenser, et vous voulez que je lui demande pardon de cette offense ! c’est difficile !

— Il me semble, à moi, que lorsque deux hommes veulent se réconcilier, ma foi !…

— Vous pensez que c’est facile ?

— É