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Tranquillisez-vous, Sachinka. Il restera ; il plaisante. Tu ferais mieux de me dire, Vania, pourquoi tu es toujours en l’air. Quelles affaires peux-tu bien avoir, sans indiscrétion ? Tu cours la ville et tu ne travailles pas…

— En quoi cela pourrait-il t’intéresser ? Du reste, je te le dirai peut-être plus tard. Mais explique-moi pourquoi tu es venu hier au soir chez moi, alors que je t’avais dit que je ne serais pas à la maison ?

— Je l’avais oublié, ce n’est que plus tard que je m’en suis souvenu. J’avais à te parler, mais je tenais surtout à tranquilliser Alexandra Séménovna, qui ne cessait de me répéter : « Maintenant que tu as quelqu’un, que tu as retrouvé un ami, pourquoi ne l’invites-tu pas ? » Et la voilà qui me bergamote depuis quatre jours, à ton intention. J’ai donc eu recours à la ruse, et je t’ai écrit qu’il y avait une chose si grave que si tu ne venais pas, tous nos vaisseaux allaient sombrer.

— Et pourquoi, m’écriai-je mécontent, t’es-tu enfui tantôt, lorsque je suis venu ?

— Toujours pour affaires, je ne mens pas d’un zeste.

— Avec le prince peut-être ?

— Comment trouvez-vous notre thé ? demanda Alexandra Séménovna d’une voix mielleuse.

Depuis cinq minutes elle attendait que je fisse l’éloge de son thé, et je n’y avais pas pensé.

— Excellent, Alexandra Séménovna, exquis ! Je n’en ai jamais pris d’aussi bon.

Elle rougit de plaisir et s’empressa de m’en verser une seconde tasse.

— Le prince ! s’écria Masloboïew ; le prince, mon bon, c’est un fripon, mais un fripon… vois-tu, quoique je sois un filou moi-même, je ne voudrais pas, par simple chasteté, être dans sa peau. Mais suffît, taisons-nous ! c’est tout ce que je puis dire de lui.

— Et moi qui suis justement venu te voir tout exprès pour te demander des renseignements sur son compte ! Mais laissons cela pour plus tard. Dis-moi à présent pourquoi tu es venu hier en mon absence donner des bonbons à ma petite