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que j’y aille. J’aime Natacha au delà de toute expression ; je me jetterais dans le feu pour elle ; mais, convenez-en, je ne puis pas les quitter tout à fait, eux, là-bas…

— Eh bien ! allez-y donc…

— Oui, mais cela fera de la peine à Natacha. Ivan Pétrovitch, aidez-moi…

— À mon avis, il vaut mieux aller. Vous savez combien Natacha vous aime ; elle s’apercevra que vous vous ennuyez auprès d’elle et que vous restez malgré vous. D’ailleurs, venez, je vous aiderai.

— Que vous êtes bon !

Nous rentrâmes.

— Je viens de voir votre père, dis-je un instant après à Aliocha.

— Où donc ? s’écria-t-il tout effrayé.

— Dans la rue, un instant. Il m’a proposé de faire plus ample connaissance. Il m’a demandé si je ne savais pas où vous étiez, il désirait vous voir.

— Ah ! va vite le rejoindre, dit Natacha, qui avait compris mon intention.

— Mais… où le trouverai-je à présent ? À la maison ?

— Non, il m’a dit qu’il allait chez la comtesse.

— Alors, comment faire ?… demanda-t-il naïvement en regardant Natacha.

— C’est bien embarrassant ! dit celle-ci. Est-ce que tu aurais le dessein de cesser de les voir pour me tranquilliser ? Quel enfantillage ! d’abord c’est impossible, et ensuite ce serait de l’ingratitude envers Katia : liés comme vous l’êtes, ce serait de la grossièreté de ta part. Tu me blesserais si tu me croyais jalouse à tel point. Vas-y, mon cher, vas-y sans tarder, je t’en prie. Cela tranquillisera ton père.

— Natacha, tu es un ange ! je ne vaux pas ton petit doigt, s’écria Aliocha extasié, quoiqu’il éprouvât quelque repentir. Tu es si bonne, tandis que moi… moi… bah ! il faut que tu le saches, je viens de prier Ivan Pétrovitch de m’aider à m’en aller, et c’est lui qui a trouvé cet expédient. Pardonne-moi, ange adoré ! Ne me crois pas plus coupable que je ne le suis ; je t’aime mille fois plus que tout au monde. Il m’est venu