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répondre ; j’avais peur de lui. Il m’a parlé de la Boubnow, il m’a dit qu’elle était très-fâchée, mais qu’elle n’oserait pas venir me chercher ici ; puis il a fait votre éloge, il a dit que vous étiez bons amis depuis le temps où vous étiez petits. Alors j’ai causé avec lui. Il m’a offert des bonbons, et je les ai refusés ; il m’a assuré qu’il n’était pas méchant, qu’il chantait des chansons, qu’il dansait, et le voilà qui se lève tout à coup et qui se met à danser. C’était très-drôle ! Après cela, il a voulu vous attendre encore, disant que vous rentreriez peut-être bientôt, et il m’a demandé de n’avoir pas peur et de m’asseoir à côté de lui. Je l’ai fait, mais je ne voulais rien dire. Alors il m’a raconté qu’il avait connu maman et grand-papa, et… nous avons parlé. Il est resté longtemps.

— De quoi avez-vous parlé ?

— De maman… de la Boubnow… de grand-papa. Comme elle n’avait pas l’air de vouloir me raconter ce qu’ils s’étaient dit, je m’abstins de la questionner, pensant tout apprendre de Masloboïew. Je ne pus m’empêcher de penser qu’il était venu à dessein pour la trouver seule, et je me demandais pourquoi.

Elle me montra en riant les bonbons qu’il lui avait donnés, des morceaux de sucre candi enveloppés de papier vert et rouge, de mauvais bonbons qu’il avait probablement achetés chez l’épicier du coin.

— Pourquoi ne les as-tu pas mangés ?

— Je n’en veux pas, répondit-elle toute sérieuse et en fronçant les sourcils. Je ne voulais pas les prendre, il les a laissés sur le canapé…

J’avais des courses à faire, je voulus prendre congé d’elle.

— T’ennuies-tu toute seule ? lui demandai-je au moment de sortir.

— Je m’ennuie et je ne m’ennuie pas ; je m’ennuie quand vous êtes longtemps sans revenir.

Elle me regardait d’un regard doux et tendre comme elle avait fait toute la matinée ; elle était gaie, caressante, et en même temps timide, comme si elle avait craint de m’importuner,