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Je ne sais pas au juste à quoi aboutirent alors toutes ces informations, mais enfin le vieillard fut enterré. Malgré toutes sortes d’autres embarras, j’allais tous les jours à Vassili-Ostrow, à la sixième ligue, et à peine y étais-je arrivé que je riais de moi-même : que pouvais-je voir dans la sixième ligne, sauf une rangée de maisons ? Mais, pensais-je, pourquoi le vieillard a-t-il parlé au moment de mourir de la sixième ligne et de Vassili-Ostrow ? Battait-il la campagne ?

J’allai voir son logement devenu libre, il me plut et je le pris. Ce qui m’y convenait surtout, c’était la grandeur de la chambre ; cependant elle était si basse que dans les premiers temps il me semblait continuellement que j’allais atteindre le plafond avec la tête. Du reste, je m’y habituai bientôt ; il n’y avait pas moyen de trouver mieux pour six roubles par mois, et ce qui me plaisait surtout, c’est qu’il était tout à fait indépendant. Il ne me restait plus qu’à m’arranger pour le service, et le portier me promit de venir au moins une fois par jour dans le commencement et de me servir dans les occasions extraordinaires. Je pensais aussi que quelqu’un viendrait demander des nouvelles du vieillard ; mais il y avait déjà cinq jours qu’il était mort, et personne n’était encore venu.

II

À cette époque, c’est-à-dire il y a un an, j’étais collaborateur de divers journaux, auxquels je fournissais de petits articles, et j’étais persuadé que je parviendrais à écrire un bel ouvrage de longue haleine, et pour l’heure je travaillais à un grand roman ; ces beaux projets n’en ont pas moins abouti à ce que je me trouve à présent... couché sur un lit d’hôpital et, à ce qu’il me semble, en train de mourir. Et si la fin est proche, à quoi bon écrire ces souvenirs ?

Cette pénible et dernière année de ma vie vient, malgré