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de se soulager par les larmes. Elle se calma peu à peu, mais elle évitait de tourner son visage vers moi ; une ou deux, fois elle me jeta un regard rapide, doux et timide. Enfin elle rougit et se mit à sourire.

— Te sens-tu mieux, ma sensible petite Lénotchka, ma chère petite malade ? lui demandai-je.

— Non, pas Lénotchka, non… murmura-t-elle tout en continuant à me cacher son petit visage.

— Tu ne veux pas que je t’appelle Lénotchka ? Comment faut-il t’appeler ?

— Nelly.

— Nelly ? Pourquoi justement Nelly ? D’ailleurs, c’est un très-joli nom. Je t’appellerai donc Nelly, si tu le désires.

— C’est ainsi que maman m’appelait… personne ne m’a appelée ainsi, excepté elle… Je ne voulais pas que quelqu’un m’appelât ainsi, excepté maman… Mais vous, je veux que vous m’appeliez Nelly. Je veux… je vous aimerai toujours, toujours…

Petit cœur aimant et fier ! pensai-je ; que de temps il m’a fallu pour te gagner… Mais à présent, je sais que tu m’es dévoué pour toujours.

— Écoute, Nelly, lui dis-je aussitôt qu’elle fut plus calme, tu dis que ta maman seule t’aimait ; est-ce que ton grand-père ne t’aimait pas ?

— Non, il ne m’aimait pas…

— Et pourtant, tu as pleuré quand tu as appris sa mort ; tu te souviens, là, dans l’escalier ?

Elle réfléchit un instant.

— Non, il ne m’aimait pas… Il était méchant…, dit-elle, et une expression de souffrance se peignit sur son visage.

— C’est qu’il était complètement tombé en enfance. Il est mort comme un homme qui n’a plus sa raison ; tu sais, je t’ai raconté comment il est mort.

— Oui, mais ce n’est que le dernier mois qu’il était devenu ainsi et qu’il avait tout oublié. Il était assis là toute la journée, et si je n’étais pas venue, il serait resté ainsi un second jour et un troisième, sans boire, sans manger. Mais avant la mort de maman il n’était pas ainsi.

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