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Elle est furieuse, dit-elle ; moi, j’ai peur de l’approcher.

— Qu’est-ce qu’elle a ?

— Elle a que le nôtre n’a pas montré son nez depuis trois jours.

— Comment ! il n’est pas venu depuis trois jours ? m’écriai-je ; mais elle m’a dit qu’il était venu hier matin et qu’il avait l’intention de venir le soir…

— Il n’est venu ni le matin ni le soir ; je te dis qu’il y a trois jours qu’on ne l’a pas aperçu. Est-il possible qu’elle ait dit cela ?

— Elle me l’a dit.

— Ma foi ! dit Mavra toute rêveuse, il faut que ce soit rude, si elle n’avoue pas qu’il n’est pas venu. Un gentil garçon !

— Mais qu’est-ce que cela veut dire ? m’écriai-je.

— Cela veut dire que je ne sais que faire d’elle, répliqua Mavra en levant les bras : hier au soir elle voulait encore m’envoyer chez lui, et elle m’a rappelée deux fois ; aujourd’hui, elle ne parle même pas. Tu devrais bien aller chez lui ; moi, je n’ose pas la quitter.

Je m’élançai dans l’escalier.

— Viendras-tu ce soir ? me cria Mavra.

— Nous verrons ça là-bas, lui répondis-je sans interrompre ma course. Je viendrai peut-être te demander des nouvelles, à moins que je ne sois plus vivant.



X

Je courus chez Aliocha. Il demeurait à la Petite Morskaïa, chez son père, qui avait un assez grand appartement. Aliocha occupait deux belles chambres. J’avais rarement été chez lui, une seule fois. Quant à lui, il était venu plus souvent chez moi, surtout au commencement de sa liaison avec Natacha. Il était sorti ; j’allai tout droit dans son cabinet et lui écrivis ce billet :

— Aliocha, avez-vous perdu la raison ? Lorsque, l’autre