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Hélène était à demi morte. Je lui dégrafai sa robe, je lui aspergeai la figure avec de l’eau et la couchai sur mon canapé. Elle était secouée par la fièvre. En considérant sa petite figure pâle, ses lèvres incolores, ses cheveux noirs rabattus de côté, mais qui avaient été peignés avec soin, sa toilette, des rubans roses restés encore çà et là sur sa robe, je compris toute cette hideuse histoire.

Pauvre enfant ! La fièvre augmentait. Je résolus de ne pas la quitter et de ne pas aller chez Natacha. De temps à autre elle soulevait ses longs cils et me regardait fixement. Ce ne fut que longtemps après minuit qu’elle s’endormit. Je m’assoupis sur une chaise, auprès d’elle.



VIII

Je me réveillai de bonne heure. Mon sommeil avait été interrompu presque toutes les demi-heures ; je m’approchai de ma petite malade. Elle avait toujours de la fièvre et un peu de délire, mais vers le matin elle se calma un peu et s’endormit profondément. C’est bon signe, me dis-je. Je résolus de profiter de son sommeil pour courir chez un médecin de ma connaissance, un vieux célibataire, bon comme le pain. De temps immémorial, il demeurait seul avec une vieille ménagère allemande. J’étais chez lui à huit heures, et il me promit de venir à dix.

J’avais grande envie de passer chez Masloboïew, mais je réfléchis qu’il ne serait pas encore levé après les fatigues de la veille, et que si Hélène se réveillait en mon absence, elle s’effrayerait de se trouver chez moi : dans son état, elle ne savait peut-être plus comment elle y était arrivée.

Elle se réveilla au moment où j’entrais dans la chambre, Je lui demandai comment elle se sentait. Ses yeux noirs pleins d’expression restèrent longtemps fixés sur moi. Il me sembla qu’elle se souvenait de tout et qu’elle avait toute sa connaissance. Ne pas répondre était son habitude ; la veille et