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J’ai besoin de lui. Comment se permet-y, le gredin, de foire la noce sans moi ?

— Il ne vous a sûrement pas oublié : il attend quelqu’un, vous sans doute.

Masloboïew poussa une porte, et nous nous trouvâmes dans une chambre de moyenne grandeur à deux fenêtres garnies de pots de géranium ; entre autres meubles il y avait un mauvais piano. Mitrochka avait disparu pendant que nous causions dans l’antichambre. Je sus plus tard qu’il n’était pas entré, mais qu’il avait attendu derrière la porte, pour ouvrir à quelqu’un. La femme fardée aux cheveux mal peignés, que j’avais vue le matin par-dessus l’épaule de la Boubnow, se trouvait être la commère de Mitrochka.

Sisobrioukhow était assis sur un étroit canapé en faux acajou, devant une table ronde sur laquelle il y avait deux bouteilles de Champagne et une bouteille de rhum, des assiettes de bonbons, de pain d’épice et de noix. À côté de lui était assise une hideuse créature d’une quarantaine d’années, marquée de la petite vérole, en robe de taffetas noir et parée de bracelets et d’une broche en cuivre doré. C’était la femme du colonel, évidemment une contre-façon. Sisobrioukhow était ivre et très-gai : le ventru, son compagnon, brillait par son absence.

— Est-ce qu’on agit de la sorte ? hurla Masloboïew ; il vous invite chez Dussaux, et il vient se soûler ici !

— Philippe Philippitch, je suis heureux de vous voir ! bredouilla Sisobrioukhow en se levant pour venir à notre rencontre.

— Tu bois tout seul !

— J’en demande bien pardon.

— Allons, ne t’excuse pas, verse-nous plutôt : nous sommes venus nous amuser avec toi, et j’ai amené un ami, dit-il en me désignant.

— Enchanté ! je veux dire bien heureux… Hi !

— Dire qu’ils appellent ça du Champagne ! dit Masloboïew. C’est du kislistchi2.

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