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Sois tranquille, les mesures sont prises, me dit Masloboïew. Mitrochka est là ; Sisobrioukhow payera en argent ; le ventru, cette canaille, en nature. Nous avons décidé ça tantôt. Quant à la Boubnow, ça me regarde… ça lui apprendra…

Nous nous arrêtâmes au restaurant ; Mitrochka n’y était pas. Après avoir ordonné au cocher de nous attendre, nous nous rendîmes chez la Boubnow ; Mitrochka était posté près de la porte cochère. Une vive lumière éclairait les fenêtres, et l’on entendait le rire aviné de Sisobrioukhow.

— Ils sont là depuis un quart d’heure, dit Mitrochka. C’est le meilleur moment.

— Mais comment entrerons-nous ?

— Comme hôtes, répliqua Masloboïew. Elle me connaît, et Mitrochka aussi ; tout est fermé, mais pas pour nous. Il frappa doucement ; la porte cochère s’ouvrit aussitôt Le dvornik échangea un regard d’intelligence avec Mitrochka et nous laissa passer. Il nous conduisit sans bruit à un petit escalier, heurta à une porte et dit qu’il était seul ; on ouvrit, et nous entrâmes tous ensemble, pendant qu’il disparaissait.

—Aïe ! qui êtes-vous ? s’écria la Boubnow ivre et les vêtements en désordre, debout dans l’antichambre, une bougie à la main.

— Est-ce que vous ne nous reconnaissez pas, Anna Triphonovna ? vous ne reconnaissez pas vos estimables hôtes ? Qui serait-ce sinon nous ?… Philippe Philippitch.

— Ah ! c’est vous… Comment avez-vous… je… non… veuillez entrer par ici.

Elle était tout effrayée.

— Où ça, par ici ? Derrière cette cloison ?… Non, vous allez nous recevoir mieux que ça ; nous boirons du frappé ; et vous aurez peut-être quelques petites chéries !

En un clin d’œil elle reprit contenance.

— Pour des convives aussi précieux, on en ferait sortir de dessous terre ; on en ferait venir de la Chine.

— Chère Anna Triphonovna ! deux mots : est-ce que Sisobrioukhow est ici ?

— Oui.

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