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pas besoin d’argent ? J’en ai. Ne fais pas la grimace. Accepte ; tu régleras tes comptes avec tes éditeurs, tu quitteras ton collier, et tu te mettras hors de soucis pour toute une année de ta vie ; tu pourras alors t’emparer d’une idée quelconque et écrire un grand ouvrage ! Hem ! qu’en dis-tu ?

— Merci, Masloboïew ! J’apprécie l’offre fraternelle que tu me fois ; j’irai te voir, et nous en reparlerons. Mais, puisque tu es si franc envers moi, je veux te demander conseil, d’autant plus que je veux passer maître en affaires de ce genre.

Je lui racontai l’histoire de Smith et de sa petite fille, en commençant par la confiserie, et, chose étrange, pendant que je parlais, je crus voir à ses yeux qu’il ne l’ignorait pas entièrement. Je l’interrogeai à cet égard.

— Non, ce n’est pas ça, répondit-il ; du reste, j’ai un peu entendu parler de ce Smith, et je savais qu’un vieillard était mort dans la confiserie. Quant à la dame Boubnow, je sais effectivement quelque chose d’elle ; je l’ai fait financer il y a deux mois : je prends mon bien où je le trouve, c’est la seule ressemblance que j’aie avec Molière. Elle a dû cracher au bassin ; mais je me suis promis que la prochaine fois ce ne serait plus cent roubles, mais cinq cents. C’est une gueuse, qui fait des choses inavouables ; mais elle va quelquefois trop loin dans la vilenie. Ne me prends pas pour un don Quichotte ; le fait est que j’y trouve mon profit, et j’ai été enchanté tout à l’heure de rencontrer Sisobrioukhow. Il est évident que c’est le ventru qui l’a amené ici, et, comme je connais l’industrie à laquelle il se livre de préférence, je conclus que… Mais je le pincerai !… Je suis bien aise que tu m’aies parlé de cette petite, me voici sur une autre piste. Vois-tu, mon cher, je me charge de toutes sortes de commissions, et si tu savais avec quelles gens je suis en relation ! Dernièrement j’ai une petite affaire pour un prince, et une petite affaire comme on ne l’aurait pas attendue de ce personnage. Si tu aimes mieux, je te raconterai l’histoire l’une femme mariée. Viens me voir, mon cher, je t’ai préparé des sujets, et quels sujets ! c’est à n’y pas croire.

— Comment s’appelle ce prince ? demandai-je avec un certain pressentiment.

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