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a-t-il tout lavé ; depuis, il a hérité de son oncle et il est en train de manger le reste. Dans un an il sera sur la paille. Bête comme une oie, il court les restaurants, les gargotes et les actrices, et veut entrer dans les hussards. L’autre, plus âgé, Archipow, c’est aussi une espèce de marchand ou d’intendant ; il s’est traîné dans les fermages d’eau-de-vie : il a fait deux banqueroutes : c’est un coquin, un fripon et le camarade actuel de Sisobrioukhow, Judas et Falstaf à la fois ; la sensualité dégoûtante de cette créature a parfois certains caprices… Je sais de lui une affaire au criminel. Il a su se dépêtrer. Sous un rapport, je ne suis pas fâché de l’avoir trouvé ici, je l’attendais… Il dépouille Sisobrioukhow ; il connaît toutes sortes de coins, ce qui le rend précieux pour des jeunes gens de ce genre. J’ai un vieux compte à régler avec lui, et Mitrochka, ce beau gars en costume russe, avec cette figure de bohémien, là-bas, près de la fenêtre, a aussi une dent contre lui. Ce Mitrochka fait le maquignon et connaît tous les hussards de la capitale. C’est un filou, mais un filou comme il y en a peu. Avec sa casaque de velours, il a l’air d’un slavophile ; eh bien ! mets-lui un frac et ce qui s’ensuit, mène-le au club anglais, donne-le pour un comte Tambourinow quelconque, il fera sa partie de whist, il causera en grand seigneur, et ils n’y verront que du feu ; il les mettra dedans. Cependant il finira mal. Je disais donc que Mitrochka a une rude dent contre le ventru ; c’est pourquoi il est facile à chauffer ; le ventru lui a enlevé Sisobrioukhow, et ne lui a pas laissé le temps de le plumer. S’ils se sont rencontrés tout à l’heure, il doit y avoir eu quelque chose. Je sais même quoi, et je devine que c’est Mitrochka qui m’a fait savoir qu’Archipow et Sisobrioukhow devaient venir ici, et qu’ils rôdent par là autour, pour quelque vilenie. Je fais mon profit de tout ça, j’ai mes raisons ; mais il ne faut pas que Mitrochka s’en aperçoive ; ne le regarde pas ; quand nous sortirons, il viendra lui-même me dire ce que j’ai besoin de savoir… Et maintenant, viens, entrons dans ce cabinet. Stépan ! Stépan ! dit-il au garçon, tu connais mes goûts.

— Oui, monsieur.

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