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nez, en forme de bouton, était surmonté d’une paire de lunettes. Son visage exprimait la méchanceté et la sensualité. Ses yeux mauvais et méchants nageaient dans la graisse et avaient l’air de regarder à travers une crevasse. Tous deux ils connaissaient Masloboïew ; car le ventru fit une grimace de dépit, qui ne dura qu’une seconde, il est vrai, et le sourire du plus jeune devint doucereux et servile. Il ôta même sa casquette.

— Faites excuse, Philippe Philippovitch, bredouilla-t-il en regardant avec attendrissement mon compagnon.

— De quoi ?

— De ce que… Et il se donna quelques chiquenaudes sur le cou, près de la gorge, pour indiquer qu’il avait bu copieusement. Mitrochka est aussi là. Il est prouvé, Philippe Philippitch, que c’est un coquin.

— La belle affaire !

— C’est vrai… Mais lui (il montra son compagnon), la semaine dernière, dans un endroit peu comme il faut, grâce à Mitrochka, ils lui ont frotté la frimousse avec de la crème aigre… hi ! hi ! hi !

Son compagnon le poussa du coude avec dépit.

— Si vous vouliez, Philippe Philippitch, nous viderions quelques bouteilles ; oserais-je espérer… ?

— Non, mon vieux, impossible en ce moment, répondit Masloboïew : je ne suis pas libre.

— Hi, hi ! Et moi aussi, j’ai quelque petite affaire, même avec vous…

Son compagnon lui donna de nouveau un coup de coude.

— Nous verrons ça plus tard.

Nous entrâmes dans la première chambre, sur toute la longueur de laquelle s’étendait un buffet assez propre, encombré de hors-d’œuvre, de pâtés, de viandes et de carafons remplis de liqueurs de toutes les couleurs.

Masloboïew me prit brusquement dans un coin :

— Le jeune, me dit-il, c’est Sisobrioukhow, le fils d’un marchand de farine très-connu. Son père lui a laissé cinq cent mille roubles, et maintenant il fait bombance ; il a été à Paris, où il a massacré immensément d’argent, et peut-être