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Il y eut durant dix secondes un silence aussi profond que si tous les assistants étaient tombés en catalepsie ; le gendarme n’essaya plus de reprendre son prisonnier et se dirigea machinalement vers la porte où il resta immobile.

— Qu’est-ce que tu dis ? cria Porphyre Pétrovitch quand sa stupéfaction lui eut permis de parler.

— Je suis… l’assassin… répéta Nicolas après s’être tu un instant.

— Comment… tu… Comment… Qui as-tu assassiné ?

Le juge d’instruction était visiblement déconcerté.

Nicolas attendit encore un instant avant de répondre.

— J’ai… assassiné… à coups de hache Aléna Ivanovna et sa sœur Élisabeth Ivanovna. J’avais l’esprit égaré… ajouta-t-il brusquement, puis il se tut, mais il restait toujours agenouillé.

Après avoir entendu cette réponse, Porphyre Pétrovitch parut réfléchir profondément ; ensuite, d’un geste violent, il invita les témoins à se retirer. Ceux-ci obéirent aussitôt, et la porte se referma.

Raskolnikoff, debout dans un coin, contemplait Nicolas d’un air étrange. Durant quelques instants les regards du juge d’instruction allèrent du visiteur au détenu et vice versa. À la fin, il s’adressa à Nicolas avec une sorte d’emportement :

— Attends qu’on t’interroge, avant de me dire que tu as eu l’esprit égaré ! fit-il d’une voix presque irritée. Je ne t’ai pas encore demandé cela… Parle maintenant : tu as tué ?

— Je suis l’assassin… j’avoue… répondit Nicolas.

— E-eh ! Avec quoi as-tu tué ?

— Avec une hache. Je l’avais apportée pour cela.

— Oh ! comme il se presse ! Seul ?

Nicolas ne comprit pas la question.

— Tu n’as pas eu de complices ?

— Non. Mitka est innocent, il n’a pris aucune part au crime.