du bienfait de l’éducation. Tenez, les sages-femmes se sont aussi multipliées au delà de toute mesure.
Raskolnikoff regarda le lieutenant d’un air ahuri. Les paroles d’Ilia Pétrovitch qui, évidemment, sortait de table résonnaient pour la plupart à ses oreilles comme des mots vides de sens. Toutefois, il en comprenait tant bien que mal une partie. En ce moment, il questionnait des yeux son interlocuteur et ne savait comment tout cela finirait.
— Je parle de ces jeunes filles qui portent les cheveux coupés à la Titus, continua l’intarissable Ilia Pétrovitch, — je les appelle des sages-femmes, et le nom me paraît très-bien trouvé. Hé ! hé ! Elles suivent des cours de médecine, elles étudient l’anatomie ; allons, dites-moi, que je vienne à être malade, est-ce que je me ferai traiter par une demoiselle ? Hé ! hé !
Ilia Pétrovitch se mit à rire, enchanté de son esprit.
— J’admets la soif de l’instruction ; mais ne peut-on pas s’instruire sans donner dans tous ces excès ? Pourquoi être insolent ? Pourquoi insulter de nobles personnalités, comme le fait ce vaurien de Zamétoff ? Pourquoi m’a-t-il injurié, je vous le demande ?… Une autre épidémie qui fait de terribles progrès, c’est celle du suicide. On mange tout ce qu’on a, et ensuite on se tue. Des fillettes, des jouvenceaux, des vieillards se donnent la mort !… Tenez ! nous avons encore appris tantôt qu’un monsieur, récemment arrivé ici, venait de mettre fin à ses jours. Nil Pavlitch, eh ! Nil Pavlitch ! comment se nommait le gentleman qui s’est brûlé la cervelle ce matin dans la Péterbourgskaïa ?
— Svidrigaïloff, répondit d’une voix enrouée quelqu’un qui se trouvait dans la pièce voisine.
Raskolnikoff frissonna.
— Svidrigaïloff ! Svidrigaïloff s’est brûlé la cervelle ! s’écria-t-il.
— Comment ! Vous connaissiez Svidrigaïloff ?