Frissonnant, ayant à peine conscience de lui-même, Raskolnikoff ouvrit la porte du commissariat. Cette fois, il n’aperçut dans l’antichambre qu’un dvornik et un homme du peuple. L’appariteur ne fit même pas attention à lui. Le jeune homme passa dans la pièce suivante où travaillaient deux scribes. Zamétoff n’était pas là, Nikodim Fomitch non plus.
— Il n’y a personne ? fit le visiteur en s’adressant à l’un des employés.
— Qui demandez-vous ?
— A… a… ah ! Sans entendre ses paroles, sans voir son visage, j’ai deviné la présence d’un Russe… comme il est dit dans je ne sais plus quel conte… Mon respect ! jeta brusquement une voix connue.
Raskolnikoff tressaillit : Poudre était devant lui ; il venait de sortir d’une troisième chambre. « La destinée l’a voulu », pensa le visiteur, « comment est-il ici ? »
— Vous chez nous ? À quelle occasion ? s’écria Ilia Pétrovitch qui paraissait de très-bonne humeur et même un peu lancé. Si vous êtes venu pour affaire, il est encore trop tôt. C’est même par hasard que je me trouve ici… Du reste, en quoi puis-je… J’avoue que je ne vous… Comment ? comment ? Pardonnez-moi…
— Raskolnikoff.
— Eh ! oui : Raskolnikoff ! Avez-vous pu croire que je l’avais oublié ! Je vous en prie, ne me croyez pas si… Rodion… Ro… R… Rodionitch, n’est-ce pas ?
— Rodion Romanitch.
— Oui, oui, oui ! Rodion Romanitch, Rodion Romanitch ! Je l’avais sur la langue. Je vous avoue que je regrette sincèrement la façon dont nous avons agi avec vous dans le temps… Plus tard, on m’a expliqué les choses ; j’ai appris que vous étiez un jeune écrivain, un savant même… j’ai su que vous débutiez dans la carrière des lettres… Eh ! mon Dieu ! quel est le littérateur, quel est le savant qui, à ses