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VII

La nuit commençait à tomber quand il arriva chez Sonia. Pendant toute la journée la jeune fille l’avait attendu avec anxiété. Dès le matin, elle avait reçu la visite de Dounia. Celle-ci était allée la voir, ayant appris la veille, par Svidrigaïloff, que Sophie Séménovna « savait cela ». Nous ne rapporterons pas en détail la conversation des deux femmes : bornons-nous à dire qu’elles pleurèrent ensemble et se lièrent d’une étroite amitié. De cette entrevue Dounia emporta du moins la consolation de penser que son frère ne serait pas seul : c’était Sonia qui la première avait reçu sa confession, c’était à elle qu’il s’était adressé lorsqu’il avait senti le besoin de se confier à un être humain ; elle l’accompagnerait en quelque lieu que la destinée l’envoyât. Sans avoir fait de questions à cet égard, Avdotia Romanovna en était sûre ; elle considérait Sonia avec une sorte de vénération qui rendait la pauvre fille toute confuse, car celle-ci se croyait indigne de lever les yeux sur Dounia. Depuis sa visite chez Raskolnikoff, l’image de la charmante personne qui l’avait si gracieusement saluée ce jour-là était restée dans son âme comme une des visions les plus belles et les plus ineffaçables de sa vie.

À la fin, Dounetchka se décida à aller attendre son frère au domicile de ce dernier, se disant qu’il ne pourrait faire autrement que d’y passer. Sonia ne fut pas plutôt seule que la pensée du suicide probable de Raskolnikoff lui ôta tout repos. C’était aussi la crainte de Dounia. Mais, en causant ensemble, les deux jeunes filles s’étaient donné l’une à l’autre