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— Ah ! c’est ainsi que tu mens ! Je le vois, tu as menti… tu n’as dit que des mensonges !… Je ne te crois pas ! non, je ne te crois pas !… s’écria Dounetchka, dans un transport de colère qui lui ôtait la possession d’elle-même.

Presque défaillante, elle tomba sur une chaise que Svidrigaïloff s’était hâté de lui avancer.

— Avdotia Romanovna, qu’avez-vous ? reprenez vos esprits ! Voici de l’eau. Buvez-en une gorgée.

Il lui jeta de l’eau au visage. La jeune fille tressaillit et revint à elle.

— Cela a produit de l’effet, murmurait à part soi Svidrigaïloff en fronçant le sourcil. Avdotia Romanovna, calmez-vous ! Sachez que Rodion Romanovitch a des amis. Nous le sauverons, nous le tirerons d’affaire. Voulez-vous que je l’emmène à l’étranger ? J’ai de l’argent ; d’ici à trois jours, j’aurai réalisé tout mon avoir. Quant au meurtre, votre frère fera un tas de bonnes actions qui effaceront cela, soyez tranquille. Il peut encore devenir un grand homme. Eh bien, qu’avez-vous ? Comment vous sentez-vous ?

— Le méchant ! il faut encore qu’il se moque ! Laissez-moi…

— Où voulez-vous donc aller ?

— Auprès de lui. Où est-il ? Vous le savez. Pourquoi cette porte est-elle fermée ? C’est par là que nous sommes entrés, et maintenant elle est fermée à la clef. Quand l’avez-vous fermée ?

— Il n’était pas nécessaire que toute la maison entendît de quoi nous parlions ici. Dans l’état où vous êtes, pourquoi aller trouver votre frère ? Voulez-vous causer sa perte ? Votre démarche le mettra en fureur, et il ira lui-même se dénoncer. Sachez d’ailleurs qu’on a déjà l’œil sur lui, et que la moindre imprudence de votre part lui serait funeste. Attendez un moment : je l’ai vu, et je lui ai parlé tout à l’heure ; on peut encore le sauver. Asseyez-vous ; nous allons examiner ensemble