preuve. Vous avez promis de prouver : parlez donc ! Mais je vous préviens que je ne vous crois pas.
Dounetchka prononça ces paroles avec une extrême rapidité, et, pendant un instant, l’émotion qu’elle éprouvait fit monter le rouge à ses joues.
— Si vous ne me croyiez pas, auriez-vous pu vous résoudre à venir seule chez moi ? Pourquoi donc êtes-vous venue ? par pure curiosité ?
— Ne me tourmentez pas, parlez, parlez !
— Il faut en convenir, vous êtes une vaillante jeune fille. Je croyais, vraiment, que vous auriez prié M. Razoumikhine de vous accompagner. Mais j’ai pu me convaincre que s’il n’est pas venu avec vous, il ne vous a pas non plus suivie à distance. C’est crâne de votre part ; vous avez voulu sans doute ménager Rodion Romanovitch. Du reste, en vous tout est divin… En ce qui concerne votre frère, que vous dirai-je ? Vous l’avez vu vous-même tout à l’heure. Comment le trouvez-vous ?
— Ce n’est pas là-dessus seulement que vous fondez votre accusation ?
— Non, ce n’est pas là-dessus, mais sur les propres paroles de Rodion Romanovitch. Il est venu deux jours de suite passer la soirée ici chez Sophie Séménovna. Je vous ai indiqué où ils étaient assis. Il a fait sa confession complète à la jeune fille. C’est un assassin. Il a tué une vieille usurière chez qui lui-même avait mis des objets en gage. Peu d’instants après le meurtre, la sœur de la victime, une marchande nommée Élisabeth, est entrée par hasard, et il l’a tuée également. Il s’est servi, pour égorger les deux femmes, d’une hache qu’il avait apportée avec lui. Son intention était de voler, et il a volé ; il a pris de l’argent et divers objets… Voilà, mot pour mot, ce qu’il a raconté à Sophie Séménovna. Elle seule connaît ce secret, mais elle n’a eu aucune part à l’assassinat. Loin de là, en entendant ce récit, elle a été tout