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— Oh ! n’ayez pas peur ! Du reste, même à un homme aussi vicieux que moi Avdotia Romanovna ne peut inspirer que la plus profonde estime. Je crois l’avoir comprise, et je m’en fais honneur. Mais, vous savez, quand on ne connaît pas encore bien les gens, on est sujet à se tromper, et c’est ce qu’il m’est arrivé avec votre sœur. Le diable m’emporte, pourquoi donc est-elle si belle ? Ce n’est pas ma faute ! En un mot, cela a commencé chez moi par un caprice libidineux des plus violents. Il faut vous dire que Marfa Pétrovna m’avait permis les paysannes. Or on venait de nous amener comme femme de chambre une jeune fille d’un village voisin, une nommée Paracha. Elle était fort jolie, mais sotte à un point incroyable : ses larmes, les cris dont elle remplit toute la cour occasionnèrent un véritable scandale. Un jour, après le dîner, Avdotia Romanovna me prit à part, et, me regardant avec des yeux étincelants, exigea de moi que je laissasse la pauvre Paracha en repos. C’était peut-être la première fois que nous causions en tête-à-tête. Naturellement, je m’empressai d’obtempérer à sa demande, j’essayai de paraître ému, troublé ; bref, je jouai mon rôle en conscience. À partir de ce moment, nous eûmes fréquemment des entretiens secrets durant lesquels elle me faisait de la morale, me suppliait, les larmes aux yeux, de changer de vie, oui, les larmes aux yeux ! Voilà jusqu’où va, chez certaines jeunes filles, la passion de la propagande ! Bien entendu, j’imputais tous mes torts à la destinée, je me donnais pour un homme altéré de lumière, et, finalement, je mis en œuvre un moyen qui ne rate jamais son effet sur le cœur des femmes : la flatterie. J’espère que vous ne vous fâcherez pas si j’ajoute qu’Avdotia Romanovna elle-même ne fut pas tout d’abord insensible aux éloges dont je l’accablai. Malheureusement, je gâtai toute l’affaire par mon impatience et ma sottise. En causant avec votre sœur, j’aurais dû modérer l’éclat de mes yeux :