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rais renoncer à connaître ces secrets. Ne t’en inquiète pas. Les choses se découvriront en leur temps, et tu sauras tout quand le moment sera venu. Hier, quelqu’un m’a dit qu’il fallait à l’homme de l’air, de l’air, de l’air ! Je vais aller tout de suite lui demander ce qu’il entend par là.

Razoumikhine réfléchissait, une idée lui vint :

« C’est un conspirateur politique, à coup sûr ! Et il est à la veille de quelque tentative audacieuse, cela est certain ! Il ne peut pas en être autrement, et… et Dounia le sait… » se dit-il soudain.

— Ainsi, Avdotia Romanovna vient chez toi, reprit-il en scandant chaque mot ; et toi-même tu veux voir quelqu’un qui dit qu’il faut plus d’air… Il est probable que la lettre a aussi été envoyée par cet homme-là, acheva-t-il comme en aparté.

— Quelle lettre ?

— Elle a reçu aujourd’hui une lettre qui l’a beaucoup inquiétée. J’ai voulu lui parler de toi, elle m’a prié de me taire. Ensuite… ensuite elle m’a dit que nous nous séparerions peut-être dans un très-bref délai, et m’a adressé de chaleureux remerciements. Après quoi, elle est allée s’enfermer dans sa chambre.

— Elle a reçu une lettre ? demanda de nouveau Raskolnikoff devenu soucieux.

— Oui. Est-ce que tu ne le savais pas ? Hum…

Tous deux se turent pendant une minute.

— Adieu, Rodion… Moi, mon ami… il y a eu un temps… Allons, adieu ! je dois aussi m’en aller. Pour ce qui est de m’adonner à la boisson, non, je n’en ferai rien ; c’est inutile…

Il sortit vivement, mais il venait à peine de refermer la porte sur lui qu’il la rouvrit tout à coup et dit en regardant de côté :

— À propos ! Tu te rappelles ce meurtre, l’assassinat de