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entendus pour écarter momentanément cette question. Le cadavre de Catherine Ivanovna était encore sur la table. Svidrigaïloff prenait les dispositions relatives aux funérailles. Sonia était aussi fort occupée. Dans la dernière rencontre, Svidrigaïloff apprit à Raskolnikoff que ses démarches en faveur des enfants de Catherine Ivanovna avaient été couronnées de succès : grâce à certains personnages de sa connaissance, il avait pu, dit-il, obtenir l’admission des trois enfants dans des asiles très-bien tenus ; les quinze cents roubles placés sur la tête de chacun d’eux n’avaient pas nui à ce résultat, car on recevait beaucoup plus volontiers les orphelins possédant un petit capital que ceux qui étaient tout à fait sans ressource. Il ajouta quelques mots au sujet de Sonia, promit de passer lui-même un de ces jours chez Raskolnikoff et laissa entendre qu’il y avait certaines affaires dont il désirait vivement s’entretenir avec lui… Pendant qu’il parlait, Svidrigaïloff ne cessait d’observer son interlocuteur. Tout à coup il se tut, puis il demanda en baissant la voix :

— Mais qu’avez-vous donc, Rodion Romanovitch ? On dirait que vous n’êtes pas dans votre assiette. Vous écoutez, vous regardez et vous n’avez pas l’air de comprendre ! Reprenez vos esprits. Voilà, il faudra que nous causions un peu ensemble ; malheureusement, je suis fort occupé tant par mes propres affaires que par celles des autres… Eh ! Rodion Romanovitch, ajouta-t-il brusquement, à tous les hommes il faut de l’air, de l’air, de l’air… avant tout !

Il se rangea vivement pour laisser passer un prêtre et un sacristain qui s’apprêtaient à monter l’escalier. Ils venaient célébrer l’office des morts. Svidrigaïloff avait tenu à ce que cette cérémonie eut lieu régulièrement deux fois par jour. Il s’éloigna, et Raskolnikoff, après un moment de réflexion, suivit le pope chez Sonia.

Il resta sur le seuil. Le service commença avec la tran-