tait sous son manteau un uniforme de fonctionnaire. Le nouveau venu, dont le visage exprimait une sincère compassion, avait un ordre au cou, circonstance qui fit grand plaisir à Catherine Ivanovna et ne laissa pas de produire aussi son effet sur le sergent de ville. Il tendit silencieusement à Catherine Ivanovna un billet de trois roubles. En recevant cette offrande, elle s’inclina avec la politesse cérémonieuse d’une femme du monde.
— Je vous remercie, monsieur, commença-t-elle d’un ton plein de dignité, — les causes qui nous ont amenés… prends l’argent, Poletchka. Tu vois, il y a des hommes généreux et magnanimes, tout prêts à secourir une dame noble tombée dans le malheur. Les orphelins que vous avez devant vous, monsieur, sont de race noble, on peut même dire qu’ils sont apparentés à la meilleure aristocratie… Et ce général était en train de manger des gélinottes… Il a frappé du pied parce que je m’étais permis de le déranger… « Excellence, lui ai-je dit, vous avez beaucoup connu Simon Zakharitch ; prenez la défense des orphelins qu’il a laissés après lui ; le jour de son enterrement, sa fille a été calomniée par le dernier des drôles… « Encore ce soldat ! Protégez-moi ! s’écria-t-elle en s’adressant au fonctionnaire. — Pourquoi ce soldat s’acharne-t-il après moi ? On nous a déjà chassés de la rue des Bourgeois… Qu’est-ce que tu veux, imbécile ?
— Il est défendu de causer du scandale dans les rues. Ayez, je vous prie, une tenue plus convenable.
— C’est toi qui es inconvenant ! Je suis dans le même cas que les joueurs d’orgue, laisse-moi tranquille !
— Les joueurs d’orgue doivent avoir une autorisation, vous n’en avez pas et vous provoquez des attroupements dans les rues. Où demeurez-vous ?
— Comment, une autorisation ! vociféra Catherine Ivanovna. J’ai enterré mon mari aujourd’hui, c’est une autorisation, cela, j’espère !