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où il y a beaucoup plus de gens de la haute société, là on nous remarquera immédiatement. Léna sait la « Petite Ferme ». Seulement la « Petite Ferme » commence à devenir une scie, on n’entend que cela partout. Il faudrait quelque chose de plus distingué… Eh bien, Polia, donne-moi une idée, tâche un peu de venir en aide à ta mère ! Moi, je n’ai plus de mémoire ! Au fait, ne pourrions-nous pas chanter le « Hussard appuyé sur son sabre » ? Non ; voici qui vaudra mieux : chantons en français « Cinq sous » ! Je vous l’ai apprise, celle-là, vous la savez. Et puis, comme c’est une chanson française, on verra tout de suite que vous appartenez à la noblesse, et ce sera beaucoup plus touchant… Nous pourrions même y joindre : « Malbrough s’en va-t-en guerre ! » d’autant plus que cette chansonnette est absolument enfantine et qu’on s’en sert dans toutes les maisons aristocratiques pour endormir les babies :

Malbrough s’en va-t-en guerre,
Ne sait quand reviendra…


commença-t-elle à chanter… — Mais non, « Cinq sous ! » cela vaut mieux. Allons, Kolia, la main sur la hanche, vivement, et toi, Léna, mets-toi en face de lui, Poletchka et moi nous ferons l’accompagnement !

cinq sous, cinq sous,
Pour monter notre ménage…

H-hi ! H-hi ! H-hi ! Poletchka, remonte ta robe, elle glisse en bas de tes épaules, remarqua-t-elle pendant qu’elle toussait. — Maintenant il s’agit de vous tenir convenablement et d’accuser la finesse de votre pied pour qu’on voie bien que vous êtes des enfants de gentilhomme. Encore un soldat ! Eh bien, qu’est-ce qu’il te faut ?

Un sergent de ville se frayait un passage à travers la foule. Mais en même temps s’approcha un monsieur d’une cinquantaine d’années et d’un extérieur imposant, qui por-