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Pierre Pétrovitch, qui semblait avoir mis avec intention l’entretien sur ce sujet. — Quoi ? vous dites qu’elle m’a aussi invité ? ajouta-t-il tout à coup en levant la tête. Quand donc cela ? Je ne me le rappelle pas. Je n’irai pas, du reste. Qu’est-ce que je ferais là ? Je ne la connais que pour avoir causé une minute avec elle hier ; je lui ai dit que, comme veuve d’employé, elle pourrait obtenir un secours momentané. Serait-ce pour cela qu’elle m’a invité ? Hé ! hé !

— Je n’ai pas non plus l’intention d’y aller, dit Lébéziatnikoff.

— Il ne manquerait plus que cela ! Vous l’avez battue de vos propres mains. On comprend que vous vous fassiez scrupule d’aller dîner chez elle.

— Qui ai-je battu ? De qui parlez-vous ? reprit Lebéziatnikoff, troublé et rougissant.

— Je vous parle de Catherine Ivanovna que vous avez battue il y a un mois ! J’ai appris cela hier… Les voilà avec leurs convictions !… Voilà leur manière de résoudre la question des femmes ! Hé ! hé ! hé !

Après cette saillie, qui parut lui avoir un peu soulagé le cœur, Pierre Pétrovitch se remit à compter son argent.

— C’est une sottise et une calomnie ! répliqua vivement Lébéziatnikoff, qui n’aimait pas qu’on lui rappelât cette histoire, les choses ne se sont pas du tout passées ainsi ! Ce qu’on vous a raconté est faux. Dans la circonstance à laquelle vous faites allusion, je me suis borné à me défendre. C’est Catherine Ivanovna elle-même, qui la première, s’est élancée sur moi pour me griffer… Elle a arraché un de mes favoris… Tout homme, je pense, a le droit de défendre sa personnalité. D’ailleurs, je suis ennemi de la violence, d’où qu’elle vienne, et cela par principe, parce que c’est presque du despotisme. Que devais-je donc faire ? Fallait-il que je la laissasse me brutaliser tout à son aise ? Je me suis contenté de la repousser.

— Hé ! hé ! hé ! continuait à ricaner Loujine.