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tionna une chevilière large d’un verchok et longue de huit.

Après l’avoir pliée en double, il ôta son paletot d’été qui était fait d’une épaisse et solide étoffe de coton (c’était le seul vêtement de dessus qu’il possédât), et il se mit à coudre intérieurement, sous l’aisselle gauche, les deux bouts de la chevilière. Ses mains tremblaient pendant qu’il exécutait ce travail ; il l’accomplit néanmoins avec un tel succès que, quand il eut remis son paletot, aucune trace de couture n’apparut du côté extérieur. L’aiguille et le fil, il se les était procurés depuis longtemps déjà, et il n’eut qu’à les prendre dans le tiroir de sa petite table.

Quant au nœud coulant, destiné à assujettir la hache, c’était un truc fort ingénieux, dont l’idée lui était venue quinze jours auparavant. Se montrer dans la rue avec une hache à la main était impossible. D’autre part, cacher l’arme sous son paletot, c’était se condamner à avoir continuellement la main dessus, et cette attitude aurait attiré l’attention, tandis que, étant donné le nœud coulant, il lui suffisait d’y introduire le fer de la hache, et celle-ci restait suspendue sous son aisselle tout le temps de la route, sans danger de tomber. Il pouvait même l’empêcher de ballotter : pour cela il n’avait qu’à tenir l’extrémité du manche avec sa main fourrée dans la poche de côté de son paletot. Vu l’ampleur de ce vêtement, — un vrai sac, — la manœuvre de la main à l’intérieur ne pouvait être remarquée du dehors.

Cette besogne achevée, Raskolnikoff étendit le bras sous son divan « turc » et, introduisant ses doigts dans une fente du parquet, retira de cette cachette le gage dont il avait eu soin de se munir à l’avance. À vrai dire, ce gage n’en était pas un : c’était tout bonnement une petite éclisse de bois poli, ayant à peu près la longueur et la grosseur qu’aurait pu avoir un porte-cigarette en argent. Pendant une de ses promenades, le jeune homme avait trouvé par