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Ivanovna, dit avec force le marchand. Venez donc demain entre six et sept heures. Ils viendront aussi de leur côté.

— Demain ? fit d’une voix traînante Élisabeth, qui semblait avoir peine à se décider.

— Vous avez peur d’Aléna Ivanovna ? dit vivement la marchande, qui était une gaillarde. J’aurai l’œil sur vous, car vous êtes vraiment comme un petit enfant. Est-il possible que vous vous laissiez dominer à ce point par une personne qui n’est, après tout, que votre demi-sœur ?

— Pour cette fois, ne dites rien à Aléna Ivanovna, interrompit le mari, — voilà ce que je vous conseille ; venez chez nous sans en demander la permission. Il s’agit d’une affaire avantageuse. Votre sœur pourra elle-même s’en convaincre ensuite.

— Est-ce que je viendrai ?

— Demain, entre six et sept heures ; on viendra aussi de chez eux ; il faut que vous soyez présente pour décider la chose.

— Et nous aurons une tasse de thé à vous offrir, ajouta la marchande.

— C’est bien, je viendrai, répondit Élisabeth toujours pensive ; et lentement elle se mit en devoir de prendre congé.

Raskolnikoff avait déjà dépassé le groupe formé par ces trois personnes, et il n’en entendit pas davantage. Il avait, sans en avoir l’air, ralenti son pas, s’efforçant de ne perdre aucun mot de cet entretien. À la surprise du premier moment avait insensiblement succédé chez lui une frayeur qui le faisait frissonner. Le hasard le plus imprévu venait de lui apprendre que demain, à sept heures précises du soir, Élisabeth, la sœur et l’unique compagne de la vieille, serait absente, et que, par conséquent, demain soir à sept heures précises, la vieille se trouverait seule chez elle.

Le jeune homme n’était plus qu’à quelques pas de son