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« Mais en ce qui concerne Pierre Pétrovitch, tout donne à croire que c’est un homme très-respectable. Dès sa première visite, il nous a déclaré qu’il était un homme positif : « Toutefois, a-t-il ajouté en propres termes, je partage sur bien des points les idées de nos générations modernes, et je suis l’ennemi de tous les préjugés. » Il en a dit beaucoup plus long, car il est, semble-t-il, un tantinet vaniteux et phraseur, ce qui, somme toute, ne constitue pas un cas pendable.

« Moi, naturellement, je n’ai pas compris grand’chose à ses paroles, je me bornerai donc à te citer l’opinion de Dounia : « Quoique médiocrement instruit, m’a-t-elle dit, il est intelligent et paraît bon. » Tu connais le caractère de ta sœur, Rodia. C’est une jeune fille courageuse, sensée, patiente et magnanime, bien qu’elle possède un cœur ardent, ainsi que j’ai pu m’en convaincre. Assurément il ne s’agit ici, ni pour l’un, ni pour l’autre, d’un mariage d’amour ; mais Dounia n’est pas seulement une jeune fille intelligente, elle est en même temps une créature d’une noblesse angélique, et si son mari s’applique à la rendre heureuse, elle se fera un devoir de le payer de retour.

« En homme avisé qu’il est, Pierre Pétrovitch doit comprendre que le bonheur de sa femme sera la meilleure garantie du sien propre ; Par exemple, il m’a d’abord fait l’effet d’être un peu roide, mais cela tient probablement à ce qu’il est sans détours. Ainsi, dans sa seconde visite, lorsque sa demande était déjà agréée, il nous a dit en causant qu’avant même de connaître Dounia il était résolu à n’épouser qu’une jeune fille honnête, mais sans dot et ayant déjà éprouvé la pauvreté : selon lui, en effet, l’homme ne doit avoir aucune obligation à sa femme, et il vaut beaucoup mieux que celle-ci voie dans son époux un bienfaiteur.

« Ce ne sont pas tout à fait les termes dont il s’est servi,