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de plus, elle était si basse qu’un homme de haute taille s’y trouvait mal à l’aise et craignait sans cesse de se cogner au plafond. Le mobilier répondait au local : trois vieilles chaises plus ou moins boiteuses, dans un coin une table en bois peint, sur laquelle traînaient des livres et des cahiers couverts de poussière, preuve évidente qu’on n’y avait pas touché depuis longtemps ; enfin un grand vilain sofa dont l’étoffe s’en allait en lambeaux.

Ce sofa, qui occupait près de la moitié de la chambre, servait de lit à Raskolnikoff. Le jeune homme s’y couchait souvent tout habillé, sans draps ; il étendait sûr lui en guise de couverture son vieux paletot d’étudiant et se faisait un oreiller d’un petit coussin sous lequel il mettait, pour l’exhausser un peu, tout ce qu’il possédait de linge propre ou sale. Une petite table était placée devant le sofa.

La misanthropie de Raskolnikoff s’accommodait très-bien de la malpropreté qui régnait dans ce taudis. Il avait pris en aversion tout visage humain, à ce point que la vue même de la bonne chargée de faire les chambres lui causait une sorte d’exaspération. C’est ce qui arrive à certains monomanes préoccupés d’une idée fixe.

Depuis quinze jours, la logeuse avait coupé les vivres à son pensionnaire, et celui-ci n’avait pas encore songé à aller s’expliquer avec elle.

Quant à Nastasia, la cuisinière et l’unique servante de la maison, elle n’était pas trop fâchée de voir le locataire dans cet état d’esprit, car il en résultait pour elle une diminution d’ouvrage : elle avait complétement cessé de ranger et d’épousseter chez Raskolnikoff : tout au plus venait-elle, une fois par semaine, donner un coup de balai dans son logement. En ce moment elle le réveilla.

— Lève-toi ; qu’as-tu à dormir ainsi, lui cria-t-elle. Il est neuf heures. Je t’apporte du thé, en veux-tu une tasse ? Quelle mine de déterré tu as !