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Il n’en fut pas de même d’Avdotia Romanovna, qui semblait avoir attendu ce moment avec impatience. Quand, après sa mère, elle passa à côté de Sonia, elle fit à celle-ci un salut dans toutes les règles. La pauvre fille se troubla, s’inclina avec un empressement craintif, et son visage trahit même une impression douloureuse, comme si la politesse d’Avdotia Romanovna l’avait péniblement affectée.

— Dounia, adieu ! cria Raskolnikoff dans le vestibule. Donne-moi donc la main !

— Mais je te l’ai déjà donnée, est-ce que tu l’as oublié ? répondit Dounia en se tournant vers lui d’un air affable, bien qu’elle se sentît gênée.

— Eh bien, donne-la-moi encore une fois !

Et il serra avec force les petits doigts de sa sœur. Dounetchka lui sourit en rougissant, puis elle se hâta de dégager sa main et suivit sa mère. Elle aussi était tout heureuse, sans que nous puissions dire pourquoi.

— Allons, voilà qui est très-bien ! dit le jeune homme en revenant auprès de Sonia restée dans la chambre. En même temps, il la regardait d’un air serein. Que le Seigneur fasse paix aux morts, mais qu’il laisse vivre les vivants ! N’est-ce pas ?

Sonia remarqua avec surprise que le visage de Raskolnikoff s’était tout à coup éclairci ; pendant quelques instants, il la considéra en silence : tout ce que Marméladoff lui avait raconté au sujet de sa fille lui revenait soudain à l’esprit…

— Voici l’affaire dont j’ai à te parler… fit Raskolnikoff en attirant Razoumikhine dans l’embrasure de la fenêtre…

— Ainsi, je dirai à Catherine Ivanovna que vous viendrez ?…

En prononçant ces mots, Sonia se préparait à prendre congé.

— Je suis à vous tout de suite, Sophie Séménovna, nous n’avons pas de secrets, vous ne nous gênez pas… Je voudrais vous dire encore deux mots…