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— Rien que pour cela, je l’aimerais ! murmura-t-il, avec sa tendance à tout exagérer. — Voilà des mouvements comme il en a !…

« Et qu’il a bien fait cela ! pensait à part soi la mère, quels nobles élans il a ! Ce simple fait de tendre ainsi la main à sa sœur en la regardant avec affection, n’était-ce pas la manière la plus franche et la plus délicate de mettre fin au malentendu de la veille ?… »

— Ah ! Rodia, dit-elle, s’empressant de répondre à l’observation de son fils, — tu ne saurais croire à quel point hier Dounetchka et moi avons été… malheureuses ! Maintenant que tout est fini et que nous sommes tous redevenus heureux, on peut le dire. Figure-toi : presque au sortir du wagon nous accourons ici pour t’embrasser, et cette femme, — tiens, mais la voilà ! Bonjour, Nastasia !… Elle nous apprend tout d’un coup que tu étais au lit avec la fièvre, que tu viens de t’enfuir dans la rue, ayant le délire, et qu’on est à ta recherche. Tu ne peux t’imaginer dans quel état cela nous a mises !

— Oui, oui… tout cela est assurément fâcheux… murmura Raskolnikoff, mais il fit cette réponse d’un air si distrait, pour ne pas dire si indifférent, que Dounetchka le regarda avec surprise.

— Qu’est-ce que je voulais encore vous dire ? continua-t-il en s’efforçant de rappeler ses souvenirs : — oui, je vous en prie, maman, et toi, Dounia, ne croyez pas que je me sois refusé à aller vous voir le premier aujourd’hui, et que j’aie attendu votre visite préalable.

— Mais pourquoi dis-tu cela, Rodia ? s’écria Pulchérie Alexandrovna, cette fois non moins étonnée que sa fille.

« On dirait qu’il nous répond par simple politesse, pensait Dounetchka ; il fait la paix, il demande pardon comme s’il s’acquittait d’une pure formalité ou récitait une leçon. »

— À peine éveillé, je voulais me rendre chez vous ; mais