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de se coiffer, chose qu’il ne faisait plus depuis quelque temps déjà. Bien que l’arrivée de Razoumikhine et des deux dames y eût eu pour effet de remplir la chambre, Nastasia réussit néanmoins à se faufiler à leur suite, et elle resta pour écouter la conversation.

Effectivement Raskolnikoff allait bien, surtout en comparaison de la veille, mais il était fort pâle et plongé dans une morne rêverie.

Quand Pulchérie Alexandrovna entra avec sa fille, Zosimoff remarqua avec surprise le sentiment qui se révéla dans la physionomie du malade. Ce n’était pas de la joie, mais une sorte de stoïcisme résigné ; le jeune homme semblait faire appel à son énergie pour supporter pendant une heure ou deux une torture à laquelle il n’y avait pas moyen d’échapper. Après que la conversation se fut engagée, le docteur observa que presque chaque mot paraissait rouvrir une blessure dans l’âme de son client ; mais, en même temps, il s’étonna de voir ce dernier relativement maître de lui-même : le monomane furieux de la veille savait maintenant se posséder jusqu’à un certain point et dissimuler ses impressions.

— Oui, je vois moi-même à présent que je suis presque guéri, dit Raskolnikoff en embrassant sa mère et sa sœur avec une cordialité qui mit un rayonnement de joie sur le visage de Pulchérie Alexandrovna, et je ne dis plus cela comme hier, ajouta-t-il en s’adressant à Razoumikhine, dont il serra affectueusement la main.

— J’ai même été étonné de le trouver si bien portant aujourd’hui, commença Zosimoff. D’ici à trois ou quatre jours, si cela continue, il sera tout à fait comme auparavant, c’est-à-dire comme il était il y a un mois ou deux… ou peut-être trois. Car cette maladie couvait depuis longtemps, hein ? Avouez maintenant que peut-être vous y étiez pour quelque chose ? acheva avec un sourire contenu le docteur, qui semblait craindre encore d’irriter son client.