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— Il cherche une explication ! Mais il n’y avait pas que la peinture : l’inflammation couvait depuis un grand mois ; Zosimoff est là pour le dire. Seulement, ce que ce blanc-bec de Zamétoff est confus à présent, tu ne peux pas te l’imaginer. « Je ne vaux pas, dit-il, le petit doigt de cet homme-là. » C’est de toi qu’il parle ainsi. Il a quelquefois de bons sentiments. Mais la leçon que tu lui as donnée aujourd’hui au Palais de Cristal, c’est le comble de la perfection. Tu as commencé par lui faire peur, par lui donner le frisson. Tu l’avais presque amené à admettre de nouveau cette monstrueuse sottise, quand, tout d’un coup, tu lui as montré que tu te moquais de lui : « Attrape ce pied de nez ! » Parfait ! À présent il est écrasé, anéanti. Tu es un maître, vraiment, et il en faut comme cela. Quel dommage que je n’aie pas été là ! Zamétoff est maintenant chez moi, où il aurait bien voulu te voir. Porphyre désire aussi faire ta connaissance…

— Ah !… celui-là aussi… Mais pourquoi me considérait-on comme un fou ?

— C’est-à-dire, pas comme un fou. Mon ami, je crois que j’ai un peu trop jasé avec toi. Vois-tu, ce qui l’a frappé tantôt, c’est que ce seul point t’intéresse ; maintenant il comprend pourquoi cela t’intéresse : instruit de toutes les circonstances… sachant quel énervement cela t’a causé alors et comment cette affaire est liée à ta maladie… Je suis un peu ivre, mon ami ; tout ce que je puis te dire, c’est qu’il a son idée… Je te le répète : il ne rêve plus que maladies mentales. Tu n’as pas à t’inquiéter de cela…

Pendant une demi-minute tous deux restèrent silencieux.

— Écoute, Razoumikhine, fit ensuite Raskolnikoff, — je veux te parler franchement : je viens de chez un mort, le défunt était un fonctionnaire… j’ai donné là tout mon argent… et, en dehors de cela, tout à l’heure j’ai été embrassé par une créature qui, lors même que j’aurais tué quelqu’un… bref, j’ai encore vu là une autre créature… avec une plume