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— Sais-tu ce que je vais faire ? Je vais te reconduire ! Puisque, de ton propre aveu, tu es faible, eh bien…

— Et tes invités ? Quel est cet homme à tête frisée qui vient d’entr’ouvrir la porte ?

— Celui-là ? le diable le sait ! Ce doit être un ami de mon oncle ou peut-être un monsieur quelconque venu sans invitation… Je leur laisserai mon oncle ; c’est un homme inappréciable ; je regrette que tu ne puisses faire sa connaissance aujourd’hui. Du reste, que le diable les emporte tous ! Je n’ai que faire d’eux à présent ; j’ai besoin de prendre l’air, aussi es-tu arrivé fort à propos, mon ami : deux minutes plus tard, j’allais tomber sur eux à bras raccourcis ! Ils disent de telles stupidités… Tu ne saurais t’imaginer de quelles divagations un homme est capable ! Après tout, si, tu peux te l’imaginer ! Est-ce que nous-mêmes nous ne divaguons pas ? Allons, qu’ils débitent leurs sornettes, ils ne les débiteront pas toujours… Attends une petite minute, je vais t’amener Zosimoff.

Ce fut avec un empressement extrême que le docteur se rendit auprès de Raskolnikoff. À la vue de son client, une curiosité particulière se manifesta sur son visage, qui, du reste, s’éclaircit bientôt.

— Il faut aller vous coucher tout de suite, dit-il au malade, et vous devriez prendre quelque chose pour vous procurer un sommeil paisible. Tenez, voici une poudre que j’ai préparée tantôt. Vous la prendrez ?

— Certainement, répondit Raskolnikoff.

— Tu fais très-bien de l’accompagner, observa Zosimoff en s’adressant à Razoumikhine ; nous verrons demain comment il sera, mais aujourd’hui il ne va pas mal : le changement est notable depuis tantôt. À mesure qu’on vit, on apprend…

— Sais-tu ce que me disait tout bas Zosimoff il y a un instant ? commença d’une voix pâteuse Razoumikhine, dès