stituée, la malheureuse attendait humblement qu’il lui fut permis de dire le dernier adieu à son père. Soudain il la reconnut, et une souffrance immense se peignit sur son visage.
— Sonia ! ma fille ! pardonne ! cria-t-il. Il voulut lui tendre la main et, perdant son point d’appui, roula lourdement sur le plancher. On s’empressa de le relever, on le remit sur le divan ; mais c’en était fait. Sonia, presque défaillante, poussa un faible cri, courut à son père et l’embrassa. Il expira entre les bras de la jeune fille.
— Il est mort ! cria Catherine Ivanovna à la vue du cadavre de son mari. Eh bien ! que faire, maintenant ? Avec quoi l’enterrerai-je ? avec quoi, demain, nourrirai-je mes enfants ?
Raskolnikoff s’approcha de la veuve.
— Catherine Ivanovna, lui dit-il, la semaine dernière votre défunt mari m’a raconté toute sa vie et toutes les circonstances… Soyez sûre qu’il parlait de vous avec une estime enthousiaste. Dès ce soir-là, en voyant combien il vous était dévoué à tous, combien surtout il vous honorait et vous aimait, Catherine Ivanovna, malgré sa malheureuse faiblesse, dès ce soir-là, je suis devenu son ami… Permettez-moi donc maintenant… de vous aider… à rendre les derniers devoirs à mon ami défunt. Voici… vingt roubles, et si ma présence peut vous être de quelque utilité… je… en un mot, je viendrai, je viendrai vous voir certainement… peut-être viendrai-je encore demain… Adieu !
Et il sortit vivement de la chambre ; mais, en traversant le vestibule, il rencontra tout à coup dans la foule Nikodim Fomitch qui avait appris l’accident et venait prendre les dispositions d’usage en pareil cas. Depuis la scène qui s’était passée au bureau de police, le commissaire n’avait pas revu Raskolnikoff ; néanmoins, il le reconnut tout de suite.
— Ah ! c’est vous ? lui demanda-t-il.