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le papier et je trouve une boîte renfermant des boucles d’oreilles… »

— Derrière la porte ? Elle était derrière la porte ? Derrière la porte ? s’écria tout à coup Raskolnikoff en regardant avec effroi Razoumikhine, tandis qu’il faisait effort pour se soulever sur le divan.

— Oui… eh bien, quoi ? Qu’est-ce que tu as ? Pourquoi es-tu ainsi ? dit Razoumikhine, en se levant, lui aussi, de son siège.

— Ce n’est rien !… eut à peine la force de répondre Raskolnikoff, qui se laissa retomber sur l’oreiller et se tourna de nouveau du côté du mur.

Tous restèrent quelque temps silencieux.

— Il était à moitié endormi, sans doute, dit enfin Razoumikhine en interrogeant du regard Zosimoff ; celui-ci fit de la tête un petit signe négatif.

— Eh bien ! continue donc, dit le docteur, — après ?

— Tu sais le reste. Dès qu’il s’est vu en possession de ces boucles d’oreilles, il n’a plus pensé ni à sa besogne ni à Mitka : il a pris son bonnet et est allé immédiatement chez Douchkine. Comme je te l’ai dit, il s’est fait donner un rouble par ce cabaretier et lui a faussement raconté qu’il avait trouvé la boîte sur le trottoir. Ensuite, il est parti faire la noce. Mais, en ce qui concerne le meurtre, son langage ne varie pas : « Je ne sais rien, répète-t-il toujours, je n’ai appris la chose que le surlendemain seulement. » — « Mais pourquoi donc as-tu disparu tous ces temps-ci ? » — « Parce que je n’osais pas me montrer. » — « Et pourquoi voulais-tu te pendre ? » — « Parce que j’avais peur. » — « De quoi avais-tu peur ? » — « D’être mis en jugement. » Voilà toute l’histoire. Maintenant, quelle conclusion en ont-ils tirée, penses-tu ?

— Que veux-tu que je pense ? Il y a une présomption, discutable peut-être, mais qui n’en existe pas moins. Il y a