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LE CRIME ET LE CHÂTIMENT.

— Il vient de reprendre ses sens, répéta comme un écho l’artelchtchik avec un petit sourire.

— Mais vous-même, qui êtes-vous ? lui demanda brusquement Razoumikhine. — Moi, voyez-vous, je m’appelle Razoumikhine, je suis étudiant, fils de gentilhomme, et monsieur est mon ami. Allons, vous, dites-moi qui vous êtes.

— Je suis employé chez le marchand Chélopaieff, et je viens ici pour affaire.

— Asseyez-vous sur cette chaise ; ce disant, Razoumikhine prit lui-même un siège et s’assit de l’autre côté de la table.

— Mon ami, tu as bien fait de revenir à toi, poursuivit-il en s’adressant à Raskolnikoff.

— Depuis quatre jours, tu n’as, pour ainsi dire, rien bu ni rien mangé. À peine prenais-tu un peu de thé qu’on te donnait à la cuiller. Je t’ai amené deux fois Zosimoff. Te souviens-tu de Zosimoff ? Il t’a examiné attentivement, et il a déclaré que tout cela n’était rien. Ta maladie, a-t-il dit, est un simple affaiblissement nerveux, résultat d’une mauvaise alimentation, mais elle n’a aucune gravité. Un fameux gaillard, Zosimoff ! Il traite déjà supérieurement. Mais je ne veux pas abuser de votre temps, ajouta Razoumikhine, en s’adressant de nouveau à l’artelchtchik. — Veuillez faire connaître le motif de votre visite. Remarque, Rodia, qu’on vient déjà pour la seconde fois de chez eux. Seulement, la première fois ce n’était pas celui-ci. Qui est-ce qui est venu ici avant vous ?

— Vous voulez sans doute parler de celui qui est venu avant-hier : c’est Alexis Séménovitch ; il est aussi employé chez nous.

— Il a la langue mieux pendue que vous. N’est-ce pas votre avis ?

— Oui ; c’est un homme plus capable.

— Modestie digne d’éloges ! Allons, continuez.

— Voici : à la demande de votre maman, Afanase Ivano-