moment s’arrêtaient les souvenirs de Raskolnikoff. Il se rappelait seulement qu’il avait lampé une gorgée d’eau froide. Ensuite il s’était évanoui.
III
Toutefois, tant que dura sa maladie, jamais il ne fut tout à fait privé de sentiment : c’était un état fiévreux avec délire et demi-inconscience. Plus tard, il se rappela beaucoup de choses. Tantôt il lui semblait que plusieurs individus étaient réunis autour de lui, voulaient le prendre et l’emporter quelque part, discutaient vivement et se querellaient à son sujet. Tantôt il se voyait tout à coup seul dans sa chambre, tout le monde était parti, on avait peur de lui, de temps à autre seulement on ouvrait la porte pour l’examiner à la dérobée ; les gens le menaçaient, tenaient conseil entre eux, riaient, le mettaient en colère. Il constatait souvent la présence de Nastasia à son chevet ; il remarquait aussi un homme qui devait lui être bien connu, mais qui était-ce ? Jamais il ne parvenait à mettre un nom sur cette figure, et cela le désolait au point de lui arracher des larmes.
Parfois il se figurait être alité depuis un mois déjà ; à d’autres moments, tous les incidents de sa maladie lui paraissaient se produire dans une seule et même journée. Mais cela, — cela, il l’avait absolument oublié ; à chaque instant, il est vrai, il se disait qu’il avait oublié une chose dont il aurait dû se souvenir, — il se tourmentait, faisait de pénibles efforts de mémoire, gémissait, devenait furieux, ou était pris d’une terreur indicible. Alors il se dressait sur son lit, voulait s’enfuir, mais toujours quelqu’un le retenait de force. Ces crises l’affaiblissaient et se terminaient par