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conviction, ne l’empêchait pas de trembler de tout son corps. — « Allons, voilà que je suis chaussé ; j’ai fini par y arriver ! » À l’instant même son hilarité fit place à l’abattement. — « Non, c’est au-dessus de mes forces… » pensa-t-il. Ses jambes fléchissaient. — « C’est de peur », songeait-il intérieurement.

La chaleur lui donnait la migraine. — « C’est un piège ! Ils ont eu recours à la ruse pour m’attirer là, et, quand j’y serai, ils démasqueront subitement leurs batteries », continuait-il à part soi, en approchant de l’escalier. — « Le pire, c’est que je suis comme en démence… je puis lâcher quelque sottise… »

Sur l’escalier, il songea que les objets dérobés chez la vieille se trouvaient bien mal cachés sous la tapisserie. — « Peut-être me mandent-ils exprès pour pouvoir faire une perquisition ici en mon absence », pensa-t-il. Mais il était si désespéré, il acceptait sa perte avec un tel cynisme, si l’on peut ainsi parler, que cette appréhension l’arrêta à peine une minute.

« Pourvu seulement que cela soit vite fini !… »

Arrivé au coin de la rue qu’il avait prise la veille, il jeta furtivement un regard inquiet dans la direction de la maison… Mais à l’instant même il détourna les yeux.

« S’ils m’interrogent, j’avouerai peut-être », se dit-il comme il approchait du bureau de police.

Le commissariat avait été transféré depuis peu au quatrième étage d’une maison située à un quart de verste de sa demeure. Avant que la police se fût installée dans ce nouveau local, le jeune homme avait eu une fois affaire à elle ; mais c’était pour une chose sans importance, et il y avait fort longtemps de cela. En pénétrant sous la porte cochère, il aperçut à droite un escalier que descendait un moujik, tenant un livre à la main : « Ce doit être un dvornik ; par conséquent, c’est là que se trouve le bureau. » Et il monta