Bien qu’il eût à peine la force de marcher, il ne laissa pas de faire un long détour pour retourner chez lui.
Lorsqu’il franchit le seuil de sa demeure, il n’avait pas encore pleinement recouvré sa présence d’esprit ; du moins la pensée de la hache ne lui revint que quand il était déjà sur l’escalier. Cependant la question qu’il avait à résoudre était des plus sérieuses : il s’agissait de reporter la hache où il l’avait prise, et de faire cela sans attirer aucunement l’attention. Plus capable de raisonner sa situation, il aurait assurément compris qu’au lieu de remettre l’arme à son ancienne place il eût peut-être beaucoup mieux valu s’en débarrasser en la jetant dans la cour de quelque maison étrangère.
Néanmoins, tout réussit à souhait. La porte de la loge était fermée, mais non à la clef ; donc, selon toute apparence, le dvornik était chez lui. Mais Raskolnikoff avait si bien perdu toute faculté de combiner un plan quelconque, qu’il alla droit à la loge et l’ouvrit. Si le dvornik lui avait demandé : « Que voulez-vous ? » peut-être lui eut-il tout bonnement tendu la hache. Mais, comme la première fois, le dvornik était absent, ce qui donna toute facilité au jeune homme pour replacer la hache sous le banc, à l’endroit où il l’avait trouvée.
Ensuite il monta l’escalier et arriva jusqu’à sa chambre sans rencontrer personne ; la porte du logement de la propriétaire était fermée. Rentré chez lui, il se jeta tout habillé sur son divan. Il ne dormit pas, mais il resta dans une sorte d’inconscience. Si quelqu’un était alors entré dans son logis, il se fut brusquement levé en criant. Sa tête fourmillait d’idées à peine distinctes : il avait beau faire, il ne pouvait en suivre aucune…