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— Qu’est-ce que c’est ? interrogea-t-elle pour la seconde fois ; et, tout en soupesant le gage, elle regarda encore fixement son interlocuteur.

— Un objet… un porte-cigarette… en argent… voyez.

— Tiens, mais on ne dirait pas que c’est en argent !… Oh ! comme cela est ficelé !

Tandis qu’Aléna Ivanovna s’efforçait de défaire le petit paquet, elle s’était approchée de la lumière (toutes ses fenêtres étaient fermées, malgré l’étouffante chaleur) ; dans cette position, elle tournait le dos à Raskolnikoff, et durant quelques secondes elle ne s’occupa plus du tout de lui. Le jeune homme déboutonna son paletot et dégagea la hache, du nœud coulant, mais sans la retirer encore tout à fait ; il se borna à la tenir de la main droite sous son vêtement. Une terrible faiblesse envahissait ses membres ; lui-même sentait, que d’instant en instant ils s’engourdissaient davantage. Il craignait que ses doigts ne laissassent échapper la hache… tout à coup la tête commença à lui tourner.

— Mais qu’est-ce qu’il a donc fourré là dedans ? s’écria avec colère Aléna Ivanovna, et elle fit un mouvement dans la direction de Raskolnikoff.

Il n’y avait plus un instant à perdre. Il retira la hache de dessous son paletot, l’éleva en l’air en la tenant des deux mains et, par un geste mou, presque machinalement, car il n’avait plus de forces, la laissa retomber sur la tête de la vieille. Toutefois, à peine eut-il frappé que l’énergie physique lui revint.

Aléna Ivanovna, selon son habitude, avait la tête nue. Ses cheveux grisonnants, clair-semés, et, comme toujours, gras d’huile, étaient rassemblés en une mince tresse, dite queue de rat, fixée sur la nuque par un morceau de peigne de corne. Le coup atteignit juste le sinciput, ce à quoi contribua la petite taille de la victime. Elle poussa à peine un faible cri et soudain s’affaissa sur le parquet ; toutefois elle eut